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Le samedi 23 avril 2022

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Dette souveraine : pas d’issue sans inflation

L’auteur invité est Greg Ribbs, économiste à la Royal Bank of Scotland

Passer rapidement d’un déficit budgétaire à deux chiffres à un excédent – comme on l’exige aujourd’hui de la Grèce, soit dit en passant – provoquerait à tout coup une récession de grande ampleur, ou pire encore. Comme la plupart de ses confrères, l’analyste Greg Ribbs de la Royal Bank of Scotland, constate avec pragmatisme ce que les politiques semblent encore refuser d’admettre. La politique budgétaire ayant atteint ses limites, le monétaire, c’est-à-dire les banques centrales, devra prendre le relais. Le niveau de la dette publique – mais aussi privée – dans le monde développé est tel que son remboursement à sa valeur actuelle est inenvisageable, à moins de vouloir tuer le malade à coup de saignées en prétendant le guérir. Le précédent de l’apurement des dettes de la seconde guerre mondiale – bien supérieures – montre sans équivoque quelle est la seule issue possible hors défaut de paiement. Elle requiert un taux de croissance nominal du PIB supérieur au taux d’intérêt. Ce qui en clair signifie une augmentation sensible de l’activité accompagné par une inflation soutenue. Willem Buiter, l’a rappelé récemment : aux USA la dette a été ramenée de 121% du PIB en 1946 à 31% en 1974. Dans ce désendettement nominal la contribution du facteur inflation a été aussi importante que celle de la croissance. Plus encore, la contribution budgétaire a été négative. Durant ces 28 ans, 20 exercices ont été déficitaires. Bien que cette conception ait été évacuée de la pensée économique dominante, il est urgent de se rappeler que la monnaie est une fonction, et non une ressource en quantité limitée, imposant de l’extérieur ses contraintes au destin des sociétés. Suspectant la complaisance des politiques, la très vertueuse Europe s’est privée du bras armé de la politique monétaire, en déléguant la responsabilité de la création de la monnaie au seul privé – crédité contre toute vraisemblance d’un meilleur jugement et d’une plus grande prudence en la matière. Funeste erreur. En multipliant sans retenue les créances, qui sont une autre forme de la monnaie, les banques ont gravement compromis la valeur de celle-ci, bien avant que la crise n’atteigne sa phase aigüe. Nous sommes ces jours-ci tympanisés de discours se présentant comme empreints d’un épais bon sens sur la nécessaire rigueur, bien que le mot soit banni, afin de mieux faire passer la chose. Mais, comme dans les années 1930, cette rationalité n’est qu’apparente : en exigeant d’insupportables ponctions sur l’activité pour rembourser une dette odieuse, l’appauvrissement généralisé est garanti, aussi bien pour les débiteurs que pour les créanciers. Le sacrifice de la souveraineté monétaire que l’Europe s’est imposée n’est plus de mise. La seule solution raisonnable passe par un dégonflement de la dette en utilisant les outils – tous les outils – à notre disposition : une cible d’inflation modérée et soutenue, accompagnée et facilitée par la monétisation. Et lorsque ce sont des banquiers, cette fois dégrisés, qui nous l’affirment, il convient de tendre l’oreille. Contre Info.

Si le marché cesse d’acheter des obligations d’État, les banques centrales devront le faire. Il n’y a pas d’autre solution. Au plan économique, les alternatives sont tout simplement trop dommageables pour qu’elles soient envisagées. Si les banques centrales n’achètent pas leur dette, les gouvernements seraient contraints de dégager un excédent budgétaire (requis pour faire face aux paiements des intérêts sur la dette existante). Imaginez le carnage si les grandes économies étaient contraintes de passer d’un déficit à deux chiffres à un excédent. C’est là un scénario du type Grande Dépression ou pire encore.

Ne serait-ce que s’approcher de cette situation est trop terrible pour être envisagé. De ce fait, lorsque le coût des emprunts commencera à augmenter, comme cela a été le cas récemment dans la périphérie la zone euro, accroissant la difficulté pour lever des fonds, la contagion s’étend aux actions et aux marchés mondiaux de capitaux.

Cette situation a contraint les gouvernements de la zone euro à promettre de mobiliser des fonds pour régler le problème. Le plan de sauvetage d’un milliard de dollars conserve un peu de crédibilité uniquement parce qu’il implique le FMI et les principaux pays européens qui bénéficient encore de coûts d’emprunt relativement bas.

Cependant, ce plan n’aurait que peu d’effet si la BCE n’était pas impliquée. L’achat d’obligations d’État par la BCE (monétisation) est essentiel. La banque centrale est la source la plus crédible de fonds puisqu’elle peut créer de l’argent.

Il est indéniable que l’action de la BCE cette semaine a montré plus clairement que jamais quelle est la menace réelle posée par le problème de la dette souveraine dans le monde.

Lorsque les pressions vont s’accroitre, lorsque les rendements obligataires vont commencer à augmenter en raison des risques de défaut sur la dette souveraine, tous les pays, et pas seulement ceux de la zone euro, vont contraindre leurs banques centrales à acheter des obligations (monétiser).

On peut gloser à n’en plus finir sur la stérilisation, mais lorsque les banques centrales seront contraintes d’emprunter cette voie, on peut être assuré qu’elles n’augmenteront pas les taux. Elles viseront des taux réels négatifs, et jusqu’à ce que la situation budgétaire soit remise en ordre, elles auront pour objectif la croissance du PIB nominal. Qu’elle provienne d’une hausse de l’inflation ou d’une croissance réelle n’aura que peu d’importance.

Bien que l’inflation ne soit pas encore apparue, le cours de l’or nous indique que cette menace est bien réelle sur le long terme. A juste titre, les gens n’ont plus confiance dans la monnaie fiduciaire.

On peut lire le texte original sur ft.com/alphaville ou sur celui de Contre Info, qui en a assuré la traduction

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