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Le samedi 23 avril 2022

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Le contrôle de Métro et la souveraineté alimentaire au Québec

Dans une nouvelle étude produite par l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC), François L’Italien et moi-même nous penchons sur le rôle de la distribution alimentaire dans le développement du secteur agroalimentaire par le biais d’une monographie de Métro. Il faut savoir que le secteur agroalimentaire génère au Québec une activité économique considérable, en plus d’être au cœur du développement des communautés locales. L’agriculture, mais aussi les activités de transformation, de distribution et de restauration déploient en effet leurs infrastructures et leurs chaînes de valeur aux quatre coins du Québec, contribuant ainsi à la mise en valeur et à la diversification des fonctions du territoire habité. C’est dire l’importance que revêt le secteur pour la vie socio-économique du Québec et de ses régions, importance maintes fois soulignée au cours des exercices de délibération collective sur l’avenir de l’agroalimentaire menés par les gouvernements successifs depuis plus de soixante ans.

Depuis son élection, l’actuel gouvernement a ouvert deux importants chantiers qui devraient mener l’Assemblée nationale à se prononcer sur deux projets de lois qui baliseront le développement de l’agroalimentaire québécois. Le premier de ces chantiers est la politique de souveraineté alimentaire. Cette politique, qui suppose l’adoption d’une approche intégrée de l’agroalimentaire, concerne spécifiquement l’ensemble des acteurs du secteur. Son contenu précisera jusqu’où le gouvernement du Québec sera prêt à assumer sa capacité d’initiative en la matière, ainsi que la portée et la cohérence des moyens qu’il déploiera pour mobiliser l’ensemble des parties prenantes. Le second chantier concerne les mesures à prendre afin de maintenir les sièges sociaux des sociétés par action en territoire québécois. Le gouvernement jongle notamment avec l’idée d’élargir l’éventail des pouvoirs des conseils d’administration, de façon à prémunir les sociétés de prises de contrôle non sollicitées. L’objectif serait entre autres de freiner la diminution constatée depuis des décennies du nombre de sièges sociaux d’entreprises au Québec, diminution souvent qualifiée de « saignée ».

Le contrôle de Métro : l’angle mort de la politique de la souveraineté alimentaire ?

Après sept années de consultations, de commissions, de discussions, de rapports et d’études, la politique de souveraineté alimentaire du Québec est attendue. Elle l’est d’autant que les obstacles associés à pareille politique semblent s’être multipliés au cours des dernières décennies. Les projets de diversification de la production, la volonté d’offrir davantage d’aliments québécois sur les étagères, l’ambition d’une meilleure intervention de l’État québécois sur les paramètres du secteur se butent, respectivement, à la consolidation nord-américaine de la transformation alimentaire, à libéralisation des échanges et à la déréglementation des marchés. Il faudra donc de l’audace et de la méthode pour faire valoir la capacité de la société québécoise à déterminer à long terme le destin de son modèle agroalimentaire.

Au cœur de cette ambition, le contrôle de la distribution constitue, plus que jamais, un enjeu stratégique de taille. Ce segment de l’industrie agroalimentaire joue un rôle de premier plan dans la structuration de tout le secteur. L’important volume de ventes des distributeurs, conjugué à leurs politiques d’approvisionnement, font en sorte qu’ils exercent un poids déterminant dans la chaîne de valeur de l’industrie agroalimentaire, qui comprend aussi les segments de la transformation et de la production alimentaires. À cet égard, suivre l’évolution récente de la distribution alimentaire permet d’obtenir une vue d’ensemble de l’agroalimentaire québécois des dernières années, et permet de circonscrire les variables qui pèsent dans la définition des règles du jeu.

C’est à ce titre que l’analyse des transformations récentes de Métro, dernier distributeur alimentaire d’importance stratégique ayant son siège social au Québec, apparaît essentielle. Jadis propriété exclusive des marchands-détaillants réunis sous la bannière de cette entreprise, Métro a cessé d’être sous le contrôle majoritaire des marchands à partir de la seconde moitié des années 1990, ouvrant la porte à un éventuel déménagement du dernier centre de décision québécois en matière de grande distribution alimentaire. Le faible poids des actionnaires québécois dans la structure financière de Métro, couplée au rôle prépondérant des fonds d’investissement dans la gouvernance de l’entreprise, ont rendu plausible ce scénario. Dans le contexte où la diminution des sièges sociaux d’entreprises au Québec est une préoccupation majeure, et où l’objectif de souveraineté alimentaire constituera vraisemblablement le principal pilier de la future politique bioalimentaire québécoise, il devient pertinent d’étudier de près le cas de l’entreprise Métro.

La note de recherche de l’IRÉC se subdivise en quatre sections :
• Nous présentons dans un premier temps l’impact de Métro dans l’économie québécoise, et ce, sous deux angles complémentaires. Le premier concerne les aspects structurants de la distribution alimentaire pour l’économie québécoise et la souveraineté alimentaire, tandis que le second s’intéresse brièvement à l’impact économique de la présence d’un siège social comme celui de Métro au Québec.
• Nous enchaînons ensuite en présentant un bref portrait historique de la structure de propriété de Métro, portrait qui permet de mettre en perspective la financiarisation de l’entreprise à partir de la seconde moitié des années 1990. Nous retraçons les principaux moments ayant mené à la gouvernance actuelle de la société.
• L’analyse de ce processus fait l’objet de la troisième partie de la note. Nous montrons comment Métro est devenue une entreprise financiarisée, c’est-à-dire comment l’implantation de certains discours et pratiques ont pu lever les obstacles à l’intégration de l’entreprise à une dynamique où les fusions et les acquisitions sont le modus operandi des détenteurs de capitaux. C’est précisément par cette dynamique que le siège social de Métro pourrait bien échapper au Québec.
• Enfin nous concluons en procédant à des constats relatifs au contrôle de Métro, contrôle qui est exercé par des fonds d’investissement qui évaluent principalement – et souvent exclusivement – le distributeur en fonction de ses performances financières. Dans cette partie nous questionnons le fait que le poids et la valeur stratégique de ce distributeur pour l’agro-alimentaire au Québec ne soit pas défendu par les détenteurs de titres dans un bloc de contrôle. À cet effet, nous présentons quatre propositions qui seraient susceptibles d’élargir le débat sur la distribution alimentaire en général, et sur le contrôle financier de Métro en particulier : accorder une plus grande marge de manœuvre aux marchands détaillants souhaitant vendre davantage de produits locaux et régionaux ; établir un taux minimal d’offre de produits identifiés Aliments du Québec ou Aliments préparés au Québec sur les étagères des détaillants approvisionnés par les distributeurs ; augmenter la part de la Caisse de dépôt et placement à ce contrôle et enfin créer un fonds capitalisant l’épargne salariale des employés du secteur agroalimentaire, dont l’une des principales stratégies de placement consisterait à entrer dans le bloc de contrôle de Métro afin de permettre le développement maîtrisé de ce secteur.

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